L’enseigne lumineuse est encore allumée, mais les amateurs de sushis à la mode chinoise devront choisir une autre adresse. Le Yamato, entre Pigalle et le Moulin-Rouge, a été placé sous scellés et risque de le rester un moment. Jeudi après-midi, la salle de ce restaurant « japonais » du boulevard de Clichy, à Paris, a été le cadre d’un sordide triple meurtre. Un acte d’une rare sauvagerie. Deux hommes et une femme, d’origine chinoise, ont été tués à l’arme blanche. Ils ont été égorgés. Les blessures d’un des deux hommes sont particulièrement abominables : il a quasiment été décapité.
Plus étrange encore, l’auteur proclamé des faits s’est rendu à la police dans la soirée. A 20 h 25, les policiers à l’accueil du commissariat de la Goutte-d’Or, dans le XVIIIe arrondissement, ont eu la surprise de voir arriver cet homme de 59 ans, né en Chine, aux vêtements ensanglantés. « J’ai tué trois hommes cet après-midi », lâche-t-il avant de donner l’adresse du carnage. Les pompiers et les différents équipages de police qui se rendent immédiatement sur place confirment.
Le quinquagénaire Hongjie S., qui s’est présenté comme le copropriétaire du restaurant, est placé en garde à vue. D’abord au premier district de police judiciaire (DPJ) puis, au regard de la complexité de l’enquête, à la brigade criminelle.
Racket ou tontine ?L’homme affirme qu’il a tué son associé dans le restaurant mais aussi le cuisinier et une serveuse, parce qu’il était victime d’un racket. Sans s’étendre davantage. Vendredi, il est resté « prostré » au 36, quai des Orfèvres, selon une source policière, et « peu disert » quant aux circonstances précises du drame. Mais la thèse du racket peut cacher d’autres pistes, comme celle d’un différend financier entre associés. Peut-être une affaire de « tontine chinoise », ce système de prêt qui est à la base du développement des commerces asiatiques dans le monde. Le principe : une série de personnes, parfois plus de trente, versent de l’argent dans une caisse commune pour financer le projet de l’un d’eux. Celui qui remporte la cagnotte doit poursuivre les paiements pour rembourser le prêt. Des sommes d’argent considérables sont parfois en jeu et celui qui ne paie plus s’expose à des « agents de recouvrement » aux méthodes souvent musclées. Autre possibilité, celle en effet d’un racket, également fréquent dans la communauté chinoise de Paris où œuvrent des gangs spécialisés. Mais de là à expliquer une telle sauvagerie…
Une kalachnikov et deux douillesLe carnage aurait été perpétré entre 15 heures et 15 h 30, selon la déposition de Hongjie S., au moment où le restaurant était fermé. Les corps ont été retrouvés au milieu des tables, dans un bain de sang. L’arme du crime : apparemment un couteau pour sushis. Détail troublant, la présence d’un fusil-mitrailleur de type kalachnikov et de deux douilles éjectées. A priori, l’arme de guerre n’aurait pas servi dans le triple homicide, mais sa présence dans un restaurant ne manque pas de surprendre. Les lieux ont d’ailleurs été longuement inspectés une partie de la matinée de vendredi par la police technique et scientifique.
Le restaurant Yamato de Pigalle était un établissement dépendant d’une autre société de Hongjie S., la Maison de la Soie, dont le siège social est situé avenue de Saint-Ouen, dans le XVIIIe arrondissement. Détail curieux, cette dernière adresse correspond à un commerce spécialisé dans la vente de vêtements au détail. Loin des sushis et autres sashimis.