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来自Libération的网站ramiro (1996) Inscrit Libé +Suivre cet internaute |
Profil Belleville, quartier historiquement
cosmopolite...cible des racistes qui attisent la haineLes mois de mai et de juin 1968 évoquent instantanément
l’un des plus grands mouvements de la classe ouvrière et de la jeunesse
qu’aient connus la France.
Mais ce que l’on sait moins, c’est que dans le quartier de Belleville à
Paris s’est déroulée une émeute entre arabes juifs et musulmans, dans
les tout premiers jours de juin.
Le saviez-vous ?
Belleville est un quartier qui a toujours été l’un des points d’arrivée
des vagues d’immigration prolétaires à Paris, et le principal point
d’arrivée des prolétaires d’origine juive. Pendant l’entre-deux-guerres,
c’est ainsi le quartier de l’immigration ashkénaze, le bastion de la
gauche communiste et socialiste juive, puis celui de la Résistance
pendant la guerre.
À partir du début des années 1960, Belleville se peuple de prolétaires
maghrébins, principalement Tunisiens juifs et Algériens musulmans. On
estime qu’à partir de 1965, la population juive de Belleville est quasi
exclusivement tunisienne.
Quand la jeunesse progressiste et révolutionnaire se soulève en mai –
juin 1968, l’État français est en panique, et l’entrée de la classe
ouvrière dans le mouvement ne fait qu’accentuer la situation
révolutionnaire.
Mais pendant ce temps, le soir du dimanche 2 juin, une bagarre éclate
entre deux jeunes Tunisiens, un juif et un musulman, autour d’une partie
de Rami. Cette bagarre dégénère vite en bagarre générale, qui elle-même
dégénère en émeutes.
Ces émeutes continueront pendant deux jours, jusqu’au 4 juin. Plus d’une
cinquantaine de magasins sont saccagés et brûlés, la synagogue de la
rue Julien Lacroix subit un début d’incendie, et des rumeurs évoquent
même un mort (bien que rien ne soit prouvé).
Ce genre d’affrontement entre juifs et musulmans ne s’était alors jamais
produit à Belleville, et ne se reproduira d’ailleurs jamais.
Que s’est-il donc passé en ce début de juin 1968 ?
Du côté des autorités politiques arabes (c’est-à-dire en fait des
représentants des États du Maghreb) on évoque un complot « sioniste »,
tandis que du côté des autorités religieuses juives on évoque une
manipulation du Fatah naissant. Dans les deux cas, il est fait référence
à une sorte de « commémoration » de la guerre des Six Jours, en juin
1967.
Or ces affrontements se sont produits quelques jours avant
l’anniversaire de la guerre des Six-Jours, et se sont surtout arrêtés la
veille de cet anniversaire, le 4 juin. Et de toute façon, lors de la
guerre de 1967 le quartier n’avait vu absolument aucun engagement public
d’une minorité ou d’une autre.
Les juifs et les musulmans de Belleville avaient l’habitude de vivre
ensemble : parfois des personnes voisines en Tunisie se retrouvaient par
hasard dans le même quartier à Paris. Le point de départ de ces émeutes
(une banale embrouille autour d’une table de Rami un jour de fête
religieuse) le montre d’ailleurs très bien.
L’activisme sioniste commençait certes à se faire sentir auprès de la
jeunesse juive-arabe, mais n’était que balbutiant et très peu influent.
De même aucun activisme pour la Palestine n’était franchement notable à
l’époque : c’est à partir de 1969 et surtout de Septembre Noir en 1970
que les maoïstes impulseront le mouvement de solidarité avec la
révolution palestinienne.
Alors qu’en est-il réellement ?
Cela semble assez clair : les émeutes de Belleville ont en fait été
liées à la situation insurrectionnelle que connaissait Paris en mai –
juin 68.
En effet, la disproportion de l’intervention policière (plus de 5000
policiers mobilisés dans le quartier pour une embrouille au Rami) ainsi
que la présence remarquée de provocateurs gaullistes pendant les émeutes
(!) prouvent bien la manipulation du pouvoir.
Ce qui a tout de suite été vu et dénoncé par une partie de
l’extrême-gauche, et même par le P"C"F ou le MRAP. Une manifestation
d’une centaine d’activistes – principalement maoïstes – s’est même
dirigée du Quartier Latin jusqu’à Belleville.
Que révèlent finalement ces émeutes ?
D’abord elles éclairent sur l’attitude du pouvoir face aux masses
populaires arabes et juives-arabes immigrées en France : l’État français
a une posture carrément coloniale.
En effet ce n’est pas seulement la police qui est envoyée à Belleville,
mais aussi le Service d’Assistance Technique (SAT), qui était le service
principal utilisé par Papon pour réprimer le FLN algérien.
De plus l’action des agents gaullistes pour faire dégénérer cette
embrouille en affrontement entre minorités relève en fait d’un grand
classique de l’impérialisme français en Afrique du Nord.
Ainsi, au moment où l’État français subissait l’assaut révolutionnaire
le plus puissant depuis la guerre, l’unité des masses populaires arabes
et juives-arabes représentait pour lui un danger qu’il fallait
désamorcer en jouant la carte de la division du peuple : quand les
masses populaires vivent et luttent ensemble, la bourgeoisie française
n’est jamais très sereine.
http://www.hapoel.fr/2010/06/les-emeutes-a-belleville-en-juin-68/
Lundi 21 juin à 14h54 |
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